Tout a priori oppose Barack Obama et Donald Trump en matière de politique étrangère. Les deux hommes se sont exprimés sur leurs visions du monde, l’un dans The Atlantic, l’autre dans le New York Times Obama décrit une approche fondée sur la prudence et le temps long, méfiant vis-à-vis de l’utilisation de la force militaire et sceptique sur ce que les Etats-Unis peuvent accomplir sur la scène internationale, au Moyen-Orient notamment. Dans une langue nettement moins sophistiquée, le milliardaire et candidat républicain dénonce une Amérique qui perd sur tous les fronts, ridiculisée par ses alliés comme ses adversaires. Quand l’un prêche la patience et le calme dans sa stratégie face à Daech, l’autre promet de rétablir la torture pour les terroristes, de plonger le groupe sous les bombes et d’interdire l’entrée aux Musulmans aux Etats-Unis.
Et pourtant, les discours d’Obama et Trump pointent toutes deux vers une attitude de repli de la puissance américaine. A l’inverse de la majorité des experts de Washington qu’ils méprisent, ils sont réticents à engager les Etats-Unis sur des théâtres étrangers. Tous deux opposés à la guerre en Irak, ils rejettent le « nation building », se méfient de la promotion de la démocratie, arguant que la priorité doit aller au « nation building at home », à la reconstruction des Etats-Unis, de ses infrastructures, fondation indispensable de la puissance américaine.
Passagers clandestins. On retrouve une méfiance vis-à-vis des alliés traditionnels des Etats-Unis : Europe, Arabie saoudite, Japon. Le président parle de « passagers clandestins » tandis que le candidat républicain accuse les Etats-Unis de « se faire avoir » en assurant la sécurité de pays alliés. Ils élaborent une définition plus étroite des intérêts américains que leurs adversaires. A la différence des candidats de « l’establishment » républicain comme Rubio ou Bush, mais aussi d’Hillary Clinton, Trump et Obama contestent l’intérêt pour les Etats-Unis de se laisser entraîner, par les alliés ou les « experts », dans les conflits ukrainien ou syrien. Obama regrette la guerre en Libye qu’il impute, non sans malhonnêteté intellectuelle, à Sarkozy et Cameron. Trump n’hésite pas à faire l’éloge des hommes forts qui « luttent contre les terroristes » comme Kadhafi, Poutine ou même Saddam Hussein.
Réalisme ? Nouvel isolationnisme ? Ce terme qui a longtemps défini la politique étrangère américaine n’est plus vraiment approprié au XXIe siècle. Première puissance économique, commerciale, militaire, il n’est pas question pour l’Amérique de se couper du monde. Exsangue après une décennie et demie de guerres et une crise économique dont on voit les traces dans cette campagne, l’Amérique traverse cependant une phase de repli, de doute, comme elle a en connu d’autres auparavant. En 2013, une étude de l’institut Pew montrait d’ailleurs un soutien en faveur d’une posture interventionniste au plus bas depuis 50 ans au sein de l’opinion publique. Dans son dernier livre, L’Ordre du Monde, Henry Kissinger met en garde contre cette oscillation permanente entre esprit messianique et retranchement.
Hillary Clinton est certes l’héritière d’une tradition opposée : interventionniste libérale, elle a plus en commun avec les néoconservateurs républicains qu’avec les isolationnistes ou réalistes des deux camps. Favorable aux guerres en Irak, en Libye ou à l’armement des rebelles syriens, elle incarne une vision du leadership américain plus confiant dans ses capacités à transformer le monde. Elle devra cependant composer avec une opinion publique plus réticente à l’engagement international qu’au lendemain de la guerre froide et assumer l’héritage des années Obama.